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Pourquoi se lancer dans une psychanalyse ou une psychothérapie analytique ?

On peut aisément questionner la motivation à se lancer dans la longue, couteuse et parfois difficile entreprise qu'est l'analyse personnelle. La psychothérapie analytique, bien que plus légère, relève de questions similaires.

 

A l'heure de la vitesse et de l'optimisation de l'individu, en termes de potentiel économique consommation/enrichissement, passer des heures sur un divan en aventures intérieures peut, en effet, se montrer hautement paradoxal. La pensée thérapeutique actuelle (cognitivo comportementales, pensée positive, affirmation de l'estime de soi, hypnose,…) tend à cristalliser la question de la souffrance dans l’inadaptation à la culture ambiante : le symptôme et la douleur émanent d'angoisses, de phobies, de dépression, d’émotivité,… empêchant l’insertion dans une vie sociale et relationnelle. Elles ne questionnent que rarement l’humanité et la complexité des exigences de l'environnement. Les reproches adressés antérieurement à la psychanalyse quant à son objectif normatif peuvent, en fait, être réattribués aux techniques actuelles à la mode -celles  qui  promettent une réappropriation rapide et efficace d'un moi adapté aux nécessités économiques actuelles. En mettant l'accent sur la rapidité, elles sont les dignes représentantes de ce monde survolté, où chaque seconde doit être rentable.

 

Car, en fait, tout s'avère ici économique. Le marketing se déploie dans les sphères les plus intimes, associant d'une manière quasi pavlovienne chaque situation de plaisir avec un objectif de consommation. Etre heureux, être dans le bonheur aujourd'hui, ne correspond pas à enrichir le Moi de tous ses courants. Au contraire, des pans entiers de la personnalité, estimés faibles et défaillants -parce que non immédiatement rentable en plaisir-, obtiennent pour destin d'être relégués dans des zones cachées de notre intérieur, afin de nous exhiber en héros de publicité.

 

On  travaille son Moi comme on bistourise son visage ou sculpte son corps. A l’instar des mouvements sociaux abandonnant ses individus inadaptés, la répression est le maître mot de la logique de marketing psychique actuel.

 

Chaque état d’allure inadaptée ou semblant contreproductif trouve son entrée dans le DSM (manuel de diagnostics des troubles mentaux, bible du psychiatre prescripteur) qui propose d’éliminer par le biais d'une pharmacopée aux noms des plus exotiques, chaque bizarrerie, chaque inadéquation. Cette pharmacopée n’est plus pensée par des spécialistes de l’âme humaine et de la souffrance, mais par des financiers soucieux d’enrichir les actionnaires de l’entreprise qui les produit. Il ne s’agit pas de soigner, mais de vendre ! Angoisse et dépression ne sont plus les signes d'une vie intérieure et de sa réactivité à un monde déshumanisé, mais des maladies à soigner, grâce à des camisoles chimiques aux spectres de plus en plus larges et aux bénéfices financiers prometteurs, aidant l’individu à accepter un sort de plus en plus inhumain.

 

« Abandon des masses non productives » et « soumission du plus grand nombre à la consommation » sont devenus les maitres mots de notre ère. Scléroser la qualité d'une éducation, empêcher de penser, décourager les instructeurs, réduire les gestes professionnels à des mouvements de plus en plus essentiels, tels des maillons d'une chaine complexe, couper l'individu d'une compréhension de la totalité en le reléguant au rang d'étape d'une chaine de montage... tout est pensé pour en faire une machine capitaliste. 

 

Dans ce nouveau système de croyance, on comprend mieux que la psychanalyse trouve difficilement sa place et qu'une énergie considérable soit dépensée pour l'anéantir : qui voudrait de cette vieillerie poussiéreuse et démodée. Et bien sûr, on peut à loisir rire des théories freudiennes, de ce bon vieux rigolo complexe d'Œdipe et de la soi-disant misogynie des origines. Freud trafiquant ses résultats, omettant des éléments dans ses théories, mentant, inventant des conclusions... Sans doute, certes, à l’instar de nombreux chercheurs à l'égo exigent.

 

Il est évidemment ridicule de réduire la psychanalyse à Freud, comme il le serait de penser une médecine des humeurs ou une chimie de la pierre philosophale. Freud est un pionnier. Il a le mérite d'avoir saisi un courant de son époque, de l'avoir théorisé, écrit, interprété. La théorie est une matière vivante qui évolue, grandit et se renouvelle.

Mais la psychanalyse n'est pas Freud, elle est l'aboutissement d'un siècle et demi de penseurs, de chercheurs, de patients recueils de parole auprès d'une multitude de sujet.

 

S’il existe une imposture, elle n’est pas l'apanage de la psychanalyse : il s’agit de la soumission de l'humain  à la théorie - faire rentrer la réalité dans la pensée en lieu et place d’une pensée holistique. C'est la théorie qui se modèle au recueil d’infos, à la parole du sujet. Il ne s'agit pas de statistiques, de vérification scientifiques ou de théorèmes et démonstrations complexe, mais plutôt d'une écoute. Une écoute ouverte, active, totale, et à de multiples niveaux. Une écoute qui tente de se distancer de l'attente normative socio-économique, dont l’objet est de refléter au sujet sa singularité dans l'articulation de ses dimensions intrapsychiques, familiales, sociales, professionnelles, culturelle. La parole et l’écoute attentive donnent corps, définissent, identifient et nous assurent dans un processus créatif de soi.

 

Voilà ce qu’est un travail analytique : une exploration, la visite complète, parcimonieuse, précise et aventureuse des coins et recoins de la maison que nous habitons. La rénovation et l’élaboration de cette habitation au moyen des matériaux parole et écoute. Au fil des séances, le frottement conscient/inconscient s’éprouve et invite à comprendre nos tendances, pulsions, réactions, pensées, attitudes stéréotypées,… Comprendre que ce que nous prenons pour réalité est en réalité architecturé par des fantasmes profondément ancrés en nous, à notre insu. L’analyse, à l’instar d’un patient travail de démêlage, rend la liberté à une corde nouée. Au fur et à mesure de l’avancement, ce que prenions pour un déterminisme et une certitude de limite se transforme en ressource. Nous y découvrons qu’il est possible de faire autrement parce que ces angoisses ont un sens, elles s’inscrivent dans des enjeux de loyauté, de dettes, d’amour, de regret, de trahison, de protection, de colère ou de para colère. Personne n’est sans histoire, chacun est le héros passionnant et complexe de son aventure, tous livrent un combat intérieur dont personne n’a idée. L’analyse ne vise pas à taire ou à réprimer, mais tout au contraire à déterrer, à mettre à jour, à comprendre le sens, à élaborer la position individuelle dans notre histoire. C’est une aventure périlleuse et palpitante qui nous installe au centre de notre  dynamique et nous permet de nous réapproprier nos parties perdues. Les histoires - notre histoire - que nous (re)construisons patiemment sous une écoute bienveillante, disposant de tout le temps nécessaire permet la libération de nos ressources et de nos parties aliénées.

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